Il l'a fait !!!
Après des mois de travail, d'entrainement, de doutes, de chutes, d'essais, notre Ambassadeur, Seb Bouin, est venu à bout de son projet ultime, DNA. Un monstre minéral de 45 mètres, avec un dévers de 55° à 60 ° dont la cotation est proposée à 9c.
Falaisiste complet et premier français à avoir enchaîné 9b+ (Move Flatanger - juin 2019), Seb Bouin marque une nouvelle fois l'escalade et offre le premier 9c en France, dans le Verdon, temple historique et mythique de l'escalade.
Lisez ses impressions pleine de lucidité et d'humilité...à en avoir les mains moites tant la performance est énorme.
"Cette épopée aura été une des plus longue, une des plus intense, et une des plus marquante.
Il y aura eu beaucoup d’amour, mais aussi beaucoup de peur. Beaucoup de joie, et beaucoup de frustration. Beaucoup d’espoir, et beaucoup de doutes.
J’ai pris pas mal de claques.
Mais ça valait le coup car c’est vraiment beau et inspirant.
Je suis heureux de finir ce projet. Après l’avoir équipé et découvert en 2019, essayé durant 6 mois en 2020, et durant 6 mois en 2021, j’arrive enfin à clipper le relais ce printemps lors de mon deuxième trip.
J’ai passé plus de 150 journées dedans (proche des 200 je pense), et essayer la voie plus de 250 fois.
C’est le projet le plus éprouvant que j’ai mené à bien. C’est la voie la plus dure que j’ai pu essayer et réaliser dans ma carrière de grimpeur. Cette voie marque une étape importante de ma vie de grimpeur.
Cette ligne vient compléter une série d’autres first ascents sur la falaise de la ramirole dans le Verdon. Pour l’instant, aucune de ces voies n’a encore été répétée.
Les sensations après enchaînement :
Lorsque je me suis retrouvé en haut de la dernière partie dure, je ne comprenais pas bien, j’ai eu tellement de doutes, j’appréhendais tellement les derniers mouvements par peur de tomber. C’était là, c’était fait.
J’ai passé tellement de temps à exécuter les mêmes mouvements, à tomber des dizaines et dizaines de fois au même endroit.
C’est dur de réaliser.
Seb Bouin dans DNA - 9c - photos : Lena Drapella
Description de la voie :
La voie fait 45 mètres, dans un dévers de 55° à 60 °. Elle commence avec un 8c de 5 dégaines pour arriver à un repos.
Ensuite il y a quelques mouvements pas trop durs pour rejoindre le premier pas de bloc en 8a (FB grade).
C’est un pas de bloc assez spécial, il faut jeter un pied droit comme sur les compétitions de bloc actuel. Puis il faut se propulser sur une colo très très loin. La condition physique ne permet pas de le réussir à tous les coups. C’est vraiment aléatoire.
Suite à cela il y a le second pas de bloc de la voie en 8a+ bloc (FB grade). Ce pas est vraiment très physique, il y a une pince main gauche à tenir pour aller dans une inversé qui zippe souvent. Cette section est pas mal dépendante de la friction. Les conditions météorologiques jouent beaucoup.
A la sortie de ce crux il y a un repos qui permet de récupérer ses esprits avant de repartir pour une dernière bagarre dans un 8c+ final.
La cotation :
C’est une question qui dans l'instant présent me parait
Il y a deux scénarios possibles, le 9b+ où le 9c.
Mais avant de me prononcer je vais peser le pour et le contre pour essayer d’avoir l’esprit le plus clair possible.
Je vais prendre différents paramètres pour tenter de taper au plus juste : Les comparaisons avec d’autres voies, le temps passé, le style de grimpe.
Le ressenti :
Si je compare compare DNA avec d’autres voies que j’ai faite où que j’essai, c’est vraiment un cran au-dessus.
Si je compare avec Move 9b/+, si je compare avec Bibliographie 9b+, j’ai l’impression que cette voie est simplement plus dure.
Le temps passer à travailler la voie est aussi indicateur de la difficulté. J’ai passé au moins 150 journées dedans (je pense que c’est plus proche des 200, mais comme je ne suis pas sûr, restons sur 150).
J’ai passé environ 40 journées dans Bibliographie, et je n’étais vraiment pas loin de réussir (je suis tombé trois fois en haut de la voie).
J’ai passé environ 40 journées pour réussir Move 9b/+ , environ 25 journées pour Mamichula 9b, environ 50 journées pour Beyond intégral 9b/+
DNA est clairement la voie où j’ai passé le plus de temps.
Non seulement je passais du temps, mais je me préparais physiquement à chaque fois pour être prêt.
Ce n’était pas juste aller à la falaise et essayer pour voir. Non je venais avec la ferme intention d’être prêt.
C’est la voie dans laquelle je me suis le plus investi.
Le dernier élément à prendre en compte est le style de grimpe. La Ramirole, c’est la falaise qui me convient le mieux, je pratique ce style depuis plus de 10 ans.
Le fait que DNA soit 100% mon style de grimpe est à prendre en compte dans la cotation.
Par exemple, Ceuse et Bibliographie, ce n’est pas mon style de grimpe. Des petites prises et pas beaucoup de dévers, je ne suis pas très fort.
Donc si je prends en compte le fait que cette voie me convienne parfaitement, le fait que j’y ai mis un investissement beaucoup plus grand que dans les autres voies, et que je ressens cette voie comme plus dure, le 9c semblerait approprié.
Cependant, j’ai quand même de gros doutes. Est-ce que cette voie serait du même acabit que Silence ?
Est-ce que je n’ai pas passé tout ce temps en partie à cause du processus de première ascension ?
Choisir 9b+ serait la sécurité.
J’ai joué la sécurité depuis 2014 sur cette falaise en proposant des cotations bien serrées. Et au final personne n’a encore répété une de ces voies.
En France, j’ai réalisé plus de 20 premières ascensions entre le 9a et le 9b/+ qui n’ont jamais été répétées.
Choisir le 9c, c’est prendre un risque. Un risque de voir sa voie décotée.
Comme il n’y a qu’une proposition à 9c dans le monde, c’est assez dur d’être sûr et confiant.
Je n’ai jamais essayé une voie de difficulté similaire.
Malgré ces doutes, 9c est ma « proposition », qui a maintenant besoin d’autres grimpeurs pour donner leurs avis – afin de confirmer où ajuster.
C’est la manière dont sont construite les cotations : La somme des opinions rend la cotation de moins en moins subjective.
Notre sport est magnifique, nous n’avons pas besoin de juges, nous sommes les juges. Être athlète et juger sa propre performance, c’est beau, mais en même temps difficile.
Le Dévers de la Ramirole - Seb dans DNA - photo : Lena Drapella
C’est pourquoi j’aimerais inviter d’autres grimpeurs à venir essayer DNA.
C’est une voie magnifique, dans un lieu incroyable, pas trop excentré du reste du monde.
Je pense que DNA a tous les atouts pour intéresser et plaire.